Il y a une semaine je buvais à la santé du ministre français de la culture, Christine Albanel, car la loi «Hadopi», son cher bébé, était définitivement enterrée par le Conseil Constitutionnel, après avoir été malmenée par le parlement européen. La raison étais qu’une sanction, quelle qu’elle soit, ne peut être donnée par le législateur ou n’importe qui d’autre qu’un juge, ainsi que le non respect de la présomption d’innocence. Mais cela n’arrêta pas le ministre qui décida il y a deux jours de proposer une nouvelle loi… Hadopi 2!
Pour ceux qui ne connaissent pas, Hadopi est supposé être le nouvel arsenal législatif Français pour protéger nos artistes du téléchargement illégal. Cette loi crée une nouvelle agence gouvernementale (genre CSA ou autre), nommée Hadopi, capable d’espionner les activités des internautes. Pour le moment, espionner les utilisateur d’internet sur ce qu’il font avec leur connexion requière une autorisation d’un juge d’instruction et doit être effectué par le service de police approprié. Ici pas de police, pas de juge, pas d’instruction, seulement de la technocratie, la porte ouverte à l’espionnage de masse… Si une activité illégale est détectée sur votre ligne, vous recevrez alors un e-mail d’avertissement (l’adresse e-mail sera fournie par le FAI). Si une nouvelle activité suspecte est détectée vous recevrez un second e-mail, et si cela arrive une troisième fois, la connexion Internet sera coupée sans délai par le FAI pour une durée minimum d’un mois. Bien sûr pas de jugement, pas de preuve que le fautif soit le propriétaire de la connexion, pas de recours possible, et cerise sur le gâteau : la même organisation aura des rôles de police, justice et enquêteur… Toutes les raisons qui ont fait que le conseil constitutionnel à jugé cette loi inconstitutionnelle !
Alors, maintenant nous avons Hadopi 2 sur les rails. Qu’est-ce qui va changer ? Pas grand chose dans les faits, juste que le jugement sera prononcé par un juge via une facilité dans la loi française : “l’ordonnance pénale”. Mais qu’est-ce que c’est ? En France les tribunaux sont débordés : pas question d’envisager de vrais procès, trop cher et rien n’est plus dangereux qu’un système ou la justice à les moyens de faire un bon travail… La solution est d’utiliser le même système que celui utilisé lors d’infractions au code de la route.
Quand une infraction au code de la route est constatée, les preuves sont faciles à établir et la peine encourue ne comporte généralement pas la prison. Dans ce cas le suspect est jugé sans être présent à un procès et sans avocat. Le juge peut décider de trois choses. Si toutes les preuves sont présentées et qu’il n’y a pas de doute sur l’identité du suspect, la peine est prononcée et le suspect à 45 jours pour faire appel de la décision. Sinon le juge peut décider soit que la peine encourue n’est pas suffisante et demander un véritable procès (en particulier si la prison est requise), soit que les preuves ne sont pas suffisantes et l’ordonnance est rejetée (rien n’arrive). Voyez l’article 495 du code de procédure pénale pour plus de détails.
Dans le cas d’une affaire de contrefaçon, c’est une très mauvaise idée. D’abord, cette procédure ne peut fonctionner que pour les affaires très simples à établir, mais une contrefaçon faite par ordinateur n’est pas aussi simple à traiter qu’un excès de vitesse. Le parquet devra apporter toutes les preuves :
- Que l’œuvre était protégée (on peut télécharger des contenus gratuit ou libre avec BitTorrent ou une Mule)
- Que le téléchargeur savait qu’il téléchargeait une œuvre protégée (les noms de fichiers ne sont parfois pas assez explicites ou n’ont rien a voir avec leurs contenus)
- Qu’il n’y a aucun doute sur l’identité du suspect (une adresse IP n’est pas une preuve d’identité)
Par conséquent, et si la loi est respectée, tout les dossiers montés avec le système Hadopi, risque d’être rejetés par le juge pour preuves inconsistantes. Le parquet serait alors forcé de demander une enquête de police, perdant ainsi tout l’intérêt simplificateur de la procédure. Pire, les preuves seront produites par une agence gouvernementale non assermentée. Hors le conseil constitutionnel nous dit que, dans le cas d’une ordonnance pénale, aucune enquête de police ne peut être demandée par le juge si les preuves initiales n’ont pas été rapportées par un agent assermenté, c’est à dire seulement la police et certaines parties de l’armée en France (Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002). Bien sûr, et pour les mêmes raisons, Hadopi ne pourra enquêter lui-même : ce ne sera pas un service de police, ils n’auront donc aucun droit pour enquêter. Hadopi ne pourra obtenir que des adresses IP et e-mail et des rapports de FAI sur les activités d’une ligne et l’identité de son propriétaire.
L’autre point est que cette loi est contre les intérêts des artistes que l’on prétend défendre. Le code de procédure pénale, interdit à la victime de demander des dommages et intérêts, dans le cas d’une ordonnance pénale (article 495, al. 9). Par conséquent, les ayant-droits devrons sacrifier leurs droits et les dommages subit à leur soif de répression et celle de leur gouvernement.
Dernière chose, cette procédure n’est pas applicable au mineurs (article 495 du code de procédure pénale, al. 8). Je vois ça d’ici : “Non, ce n’est pas moi, c’est mon fils de douze ans qui téléchargeais !“…
Pour résumer, cette nouvelle version d’Hadopi va sûrement nous assurer de grands moments de rigolade…
Ce post est principalement inspiré de cet article écrit par un avocat. A lire, très complet.